Pourquoi pas moi?
Pourquoi n'ai-je pas le droit, moi aussi, d'être maman? Pourquoi tenter d'avoir un bébé n'a-t-il été synonyme pour moi, jusque maintenant, que de culpabilisation, de déception, de douleur physique, d'incompréhension de la part de mon médecin? Pourquoi la nature m'impose-t-elle cette maladie? N'en avait-elle pas déjà fait assez au cours des dernières années? Pourquoi ai-je dû tellement insister pour être opérée, alors que la douleur était là depuis des années, alors que je savais, moi, que quelque chose n'allait pas?
Aujourd'hui, après cette opération, après 3 mois de ménopause difficile à supporter physiquement, qui m'a laissée fatiguée, déprimée, malade, j'ai l'impression de ne toujours pas en voir le bout.
Après des semaines à attendre impatiemment la disparition des effets secondaires, voici de nouveau l'attente. L'attente du retour des règles. Voici plus de 10 jours que j'ai des douleurs et... toujours rien. Ce qui me fait craindre que l'opération et le traitement n'auront rien changé. Et que mon prochain rdv ne servira à rien, vu que je ne pourrai pas faire les examens demandés, faute de retour de cycle.
Alors aujourd'hui je craque. Je n'en peux plus. Je ne supporte plus qu'on me dise d'attendre, de prendre patience, encore, que le pire est derrière, que maintenant "ça va aller". Qu'en savent-ils? Que savent-ils des maux de leurs mots, de la culpabilité qu'ils instillent dans ma tête et dans mon corps? Toutes ces remarques "tu y penses trop", "si tu laissais faire la nature au lieu de dire que tu essaies, ça marcherait", "c'est dans ta tête", "lance une procédure d'adoption, tu tomberas enceinte", "dans le fond, je crois que tu n'en as pas vraiment envie, donc tu bloques"... ne disent finalement qu'une seule chose : "c'est de ta faute". C'était tellement de ma faute qu'on n'a même pas pris la peine de poser la question à mon corps. C'était tellement de ma faute que c'est moi qui ai dû dire au médecin de quoi je souffrais. C'était tellement de ma faute qu'une opération de 30 minutes, limite pour me faire plaisir et me prouver que je fabule et qu'il n'y a rien, avec retour quasi immédiat au boulot, s'est transformée en opération de 2 heures suivie de 2 semaines de repos.
Il y a des années que c'est de ma faute... même quand ça ne l'était pas. Au point que maintenant, oui, c'est vraiment de ma faute. Maintenant, l'endométriose est là. Et malgré l'opération, malgré le traitement, elle sera toujours là, même si parfois elle ne se montrera pas.
Maintenant, je sais que ce n'est pas "dans ma tête", qu'il y a une cause, médicale, objective. Et ce n'est pas plus rassurant. Parce qu'avec elle, je ne sais pas de quoi demain sera fait. On me dit que maintenant, on sait ce que c'est, on peut agir (on a d'ailleurs déjà commencé) et que ça va marcher. Mais j'ai plutôt l'impression, moi, qu'on sait ce que c'est, qu'on essaie d'agir mais pas de guérir, et qu'on n'est absolument pas sûr du moindre résultat.
Je suis fatiguée d'y croire, d'avoir mal, d'être déçue. Fatiguée de faire semblant d'aller bien. Fatiguée de ressentir cet étrange mélange de joie sincère et d'horrible coup de poignard à chaque annonce de grossesse. Fatiguée de ces remarques qui blessent et culpabilisent.
Il est facile de me dire de ne pas y penser. Mais je sais, moi, que chaque mois qui passera sans que je sois enceinte donnera une chance à l'endométriose de revenir et de compliquer encore plus les choses pour la suite.
Parfois, je me dis que j'aurais dû renoncer il y a longtemps. Qu'il doit y avoir quelqu'un là-haut qui a décidé que je ne pourrais pas être maman. Que si la nature ne m'y autorise pas, c'est qu'il doit bien y avoir une raison.
Cela fait si longtemps que je ne me suis plus rêvée enceinte ou maman. Je n'y arrive plus. Pourtant, quoi que certaines en disent, l'envie est toujours là, aussi forte, si pas plus. Mais combien de temps encore restera-t-elle irréalisable?